Les yeux de la mémoire
Article paru dans "Sud-ouest" , le 22 décembre 2010. Par jean-françois harribey
L'association "Souvenir de Myriam Errera" présentera en janvier, à la médiathèque, une exposition inédite dans la région sur la Shoah. Conférences, débats et films sont prévus.
L'entrée du camp d'Auschwitz où Myriam Errera serait officiellement morte le 8 février 1944. reproduction « Sud ouest »
Josette Mélinon et Claude Chauveau sont parvenues à leurs fins : Libourne accueillera bien en janvier l'exposition « Les Yeux de la mémoire ». Ces deux sœurs sont les cousines de Myriam Errera, la jeune fille juive morte en déportation à l'âge de 19 ans, ancienne élève de l'école du Nord, dont la mémoire est honorée tous les ans par l'association qui porte son nom (1).
L'exposition itinérante que les Libournais pourront découvrir du 7 au 27 janvier a été réalisée par l'Afma (Associations fonds de mémoire d'Auschwitz). « Elle n'a jamais quitté la région parisienne, affirment les deux sœurs. Nous avons pu la faire venir à Libourne après notre visite à Drancy et, grâce à l'active collaboration des associations libournaises, notamment la Ligue des droits de l'homme, et de Claudine Chapron, conseillère municipale qui en a défendu le principe. »
Scolaires : visites guidées
Plus de 1 200 photos témoigneront ainsi de manière inédite à Libourne de la Shoah, de la politique antijuive du gouvernement de Vichy, de l'enfer d'Auschwitz, de la Résistance, les réseaux de sauvetage, de la Libération, sur les murs de la médiathèque. Elles seront accessibles aux scolaires qui bénéficieront de visites guidées par des témoins des persécutions et des déportations à Libourne.
Cette exposition sera doublée de la projection de films au Grand Écran : « La Rafle » (pour les scolaires), « Voyages » (pour tout public) et de conférences débats sur les juifs à Libourne, les réfugiés, les persécutés et les déportés, entre 1940 et 1944. Il y sera notamment question de la rafle du 10 janvier 1944 qu'ont vécue Josette Mélinon et Claude Chauveau, âgées à l'époque de 4 et 7 ans et qui habitaient avenue du Maréchal-Foch.
« On n'oubliera jamais cette nuit-là, témoignent-elles. Elle imprègne nos mémoires de manière indélébile. On avait été prévenus de cette rafle par un employé de la sous-préfecture qui habitait le quartier et par Myriam qui l'avait appris au collège, on ne sait trop comment. On venait de finir de souper. Il était 20 h 30. Notre père était parti chez un voisin écouter la radio anglaise, quand les Allemands ont violemment frappé à la porte. Après avoir fouillé la maison, ils nous ont conduites, avec notre mère Gilberte Daguet, à la prison de Libourne qui abrite aujourd'hui le Centre des impôts. »
« Nous étions baptisées, ma sœur et moi, c'est ce qui nous a sauvées », souligne Josette. « Mon père a réussi, en effet, à prouver sa condition de catholique depuis plusieurs générations. Ma mère, qui était juive, a été transférée à Drancy et à l'hôpital Rothschild, où elle restera jusqu'à la Libération. Épouse d'un catholique, elle avait échappé aux camps. Quant à Myriam, qui était juive comme notre grand-mère maternelle Camille Torres, on ne la reverra plus. Elles sont mortes officiellement (1) toutes les deux à Auschwitz, le 8 février 1944. Mais nous avons des doutes concernant Myriam. C'était un caractère fort bien trempé, assurent les deux sœurs. Elle a dû se rebeller et, à notre avis, elle n'a pas terminé le voyage jusqu'au camp de la mort… »
(1) Myriam Errera serait officiellement décédée à Auschwitz le 8 février 1944, si l'on se réfère à un extrait d'acte de naissance de la mairie de Bordeaux datant du 5 février 1962 en possession de sa cousine Josette Mélinon